

Trajectoire ascendante que celle de Louis Mezzasoma qui, d'album en album, ne cesse d'affiner son art. Ce garçon galope au pays des musiques qui grattent, entre blues ouvert à tous les vents, country-folk et roots-rock. Inspiration sereine, habitée, viscérale, jubilatoire, dénuée d'artificialité.
A l'instar des Rory Gallagher, Robert Johnson, Seasick Steve – songwriters cabossés qu'il affectionne tant – le Stéphanois de vingt-sept ans sonde l'âme du blues, y capture l'esprit, remonte jusqu'à sa source. Sans nostalgie exacerbée. Sans recréer un son du passé.
Chez lui, un besoin d'expulser l'intime, de faire jaillir l'ombre et la lumière. Le plaisir du jeu aussi, la recherche d'une harmonie, d'un langage commun entre les instruments et le chant.

Louis n'a pas arpenté les rives boueuses du delta du Mississippi mais a bénéficié de la transmission d'un professeur de guitare passionné par ce courant musical. Et s'il est passé par le département jazz puis celui des musiques actuelles du Conservatoire de Saint-Étienne, c'est surtout grâce à sa curiosité insatiable et son appétit-glouton à se rendre en concert qu'il se forge son propre style.
Il y a plusieurs facteurs marquants dans son cheminement affûté : les pubs d’Écosse dans lesquels il prend le pouls pendant son année Erasmus, la rencontre avec Alain Giroux, l'un des maîtres français du picking, mais également les nombreuses dates où il a usé de son attirail d'homme-orchestre, le privilège d'ouvrir pour les vertigineux Charlie Parr et Lucky Peterson, le colosse Sugaray Rayford ou l'alchimiste Popa Chubby.
Louis Mezzasoma évite les routes bitumées et les embouteillages, emprunte des artères dégagées pour extraire ce qu'il y a de meilleur en lui et s'autoriser des bouffées de liberté. Il joue roots mais des «roots » encore gorgées de sève. Moderne, mouvant, spontané. Élégant, racé, énergique.
"Mercenary" dessine ici un road-trip émotionnel et personnel. Il s'imprègne de ses expériences de concert, de ses voyages, de ses rencontres. On y entrevoit des instants contemplatifs aux Pays-Bas, la quête d'un amour idéalisé, un producteur de concert érigé en diable, un clin d’œil à son père forgeron, une idylle impossible, une solitude contrainte... Disque évadé, débraillé, joueur, qui ne s'enferme jamais dans les mêmes canevas et enregistré sous la houlette de Bruno Preynat (Kent, Mickey 3D, Dimoné, Yvan Marc, Bottle Next...). On y retrouve le batteur et percussionniste Gaël Bernaud, son fidèle complice à la scène depuis fin 2019, l'harmoniciste Jean-Marc Henaux sur quatre morceaux, la chaleur batailleuse des cuivres de Sylvère Décot et Anthony Tournier pour le old-school Rusty man.
Entre ces six cordes, voire le dobro ou son intrigant Cigar-Box, il y a la poussière du western, les frémissements du bayou et un panorama éclatant. L'album s'ouvre sur un rock fougueux au titre évocateur, miroir de son état d'esprit à l'attaque des concerts (Kick some ass), et se termine par une reprise décomplexée au banjo de Robert Johnson (Walkin'blues). Délicatesse de mélancolie voilée (Fat land), péplum aérien (Valley of shadows), percée à la Charlie Parr (Home alone), échappée cartoonesque (John-Lewis), Louis Mezzasoma va là où le cœur le mène. Vibration profonde des guitares et agilité de la voix chevillés à son corps volcan, il nous emmène dans l'un de ces rares voyages où l'authenticité de l'expression perfore le centre de la cible.
________________________________________ Patrice Demailly
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